Budo au pays des merveilles

Interview avec Ib Nyborg Sensei

Il y a deux semaines, je nettoyais mon système de messagerie lorsque j’ai trouvé un courrier électronique reçu en décembre 2000, il y a presque 20 ans (certains d’entre vous n’étaient pas nés) ! C’était l’un de mes premiers messages avec Ib Nyborg Sensei, une personne singulière que j’ai décidé de vous présenter par le biais d’un petit interview réalisé chez lui à Liège en 2007. L’interview original a été réalisé en anglais, je vous en livre la traduction.

Nyborg senseï (à gauche) au cours d’une démonstration de jukenpo.

Ib Nyborg est né en mars 1937 au Danemark, pays de Thor, un puissant guerrier armé d’un marteau magique. Ib Nyborg a passé près de la moitié de sa vie au Japon et était titulaire d’un okuden menkyo de Nihon Sobudo Rengokai Takeda Ryu Nakamura Ha. Il est décédé à Liège en 2013.

Bonjour Nyborg sensei, quand et comment avez-vous commencé les arts martiaux ?

J’ai commencé les arts martiaux à 19 ans dans l’armée danoise quand ils nous ont appris à nous défendre. Le système enseigné était très primitif et je me sentais intéressé par la recherche d’une école authentique d’art martial. Le premier endroit que j’ai trouvé était un dojo de judo, puis une école de jujitsu. C’était mon premier contact avec un art martial japonais.

Combien de temps avez-vous mis pour obtenir votre ceinture noire ?

Vous savez qu’une ceinture noire a la même utilité qu’une ceinture blanche … maintenir la veste du dogi fermée. Quoi qu’il en soit, j’ai gagné mon premier championnat de judo à 20 ans et, par conséquent, la ceinture noire en même temps.

Avez-vous participé à des compétitions internationales ?

J’ai participé à plusieurs championnats d’Europe et aussi à des championnats du monde. C’était drôle parce qu’à cette époque il n’y avait pas de classe de poids. Je vous donne un exemple. Je me souviens bien d’un match entre Anton Geesing, le Hollandais qui a brisé la domination japonaise dans le judo, et d’un indonésien, dont j’ai oublié le nom. Anton Geesing pesait plus de 120 kg alors que l’Indonésien pesait environ 40 kg.

Note : Nyborg sensei a gagné 6 médailles d’or dans des championnats Danois de Judo, il s’est qualifié pour les Championnats du monde Openweight de 1961 à Paris et de 1965 à Rio de Janeiro (Brésil) où il a été éliminé au premier tour par Anzor Kibrotsashvili (médaillés d’Argent). Source : https://www.judoinside.com

Quand et comment êtes-vous arrivé au Japon ?

C’était en 1964. J’ai été autorisé à faire partie de l’équipe de judo danoise pour les Jeux olympiques de Tokyo. Après les Jeux, j’ai rencontré un Américain nommé Donald Draeger. Il est célèbre dans le monde des arts martiaux, il a écrit de nombreux livres et a été le premier sensei non japonais de Katori Shinto Muso Ryu. Il m’a dit que j’atteignais mon apogée et que je ne serais pas beaucoup plus fort en judo. Je devrais donc commencer à étudier le vrai budo.

Nyborg sensei (au centre) à l’occasion d’une démonstration à Furosato en compagnie de Morita senseï à gauche.

… le vrai budo ?

Oui, le vrai budo ! Le bujutsu était un système de combat pur conçu pour les champs de bataille. Mais cette époque a pris fin, et les samurai et bushi se sont retrouvés sans travail. Certains d’entre eux ont commencé à enseigner, c’est à ce moment que le bujutsu est devenu une sorte de «voie» avec une vision philosophique. La plupart des écoles japonaises sont maintenant passées de «jutsu» à «do». L’Aikijutsu est devenu aïkido, l’iaijutsu est devenu iaido, le jojutsu est devenu jodo, etc. Cependant, dans notre système, le Takeda Ryu Nakamura Ha, même s’il est toujours orienté vers le jutsu, les disciplines sont appelées aïkido, jodo, iaido, kendo. Seules 3 disciplines conservent le suffixe jutsu: le shugijutsu, le shurikenjutsu et le jujutsu kenpo. Le budo n’est cependant pas un sport. Le sport est une chose que vous faites ou à laquelle vous jouez avec une raquette, un club, une balle,… Une fois que vous avez terminé, vous prenez une douche, vous rentrez chez vous, et c’est fini. Le budo est très différent, c’est un mode de vie à cause de la discipline et du respect que vous devez avoir envers vous même, et les autres, en dehors du dojo. Le budo est aussi une sorte de fraternité, il devrait transmettre la notion de clan et d’unité.

Combien de disciplines avez-vous pratiqué ?

Eh bien, laissez-moi réfléchir … judo, jodo, kendo, aikido, iaido, shurikenjutsu, shugijutsu, tantojutsu (il a souri), jukenpo … et quelques autres. J’ai pratiqué le judo Kodokan, le Shinto Muso Ryu et le Takeda Ryu Nakamura Ha. J’ai obtenu un shoden menkyo à Takeda Ryu Nakamura Ha en 1981.

Je vous ai vu sourire quand vous avez mentionné le tantojutsu. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?

Bien sûr ! Regardez là ! C’est une partie de ma collection de couteaux… quand je suis devenu joden shihan, soke Hisashi Nakamura m’a donné un nom de budo, c’est Nibogu Igen Minamoto no Takemitsu. Cela signifie celui qui a maîtrisé la lame.

Quand êtes-vous revenu en Europe ?

J’ai quitté le Japon en 1996 pour m’installer à Londres … et vous avez pris contact avec moi en 2000. C’était le début de ma collaboration avec les gars de Liège. Maintenant je suis installé en Belgique depuis fin 2007.